La formule préférée du professeur – Yōko Ogawa [AVIS, SANS SPOIL]

Petit mot introductif : Lu ce mois-ci pour le club de lecture. Toujours dans l’optique de lectures autour du monde, le focus était mis cette fois sur une auteur japonaise. Le livre est très court, 148 pages et je l’ai lu en une après-midi. En anglais, d’ailleurs mais il est aussi traduit en français. Nous en avons discuté pendant trois longues heures et nous étions plutôt d’accord, c’était une lecture agréable. Enfin un avis positif sur ce blog! ah, ah.

J’ai aussi lu les trois premiers tomes de La Passe-Miroir de Christelle Dabos. Je ne sais pas encore si j’écrirais un avis sur touuuute la saga mais ça me tente!


C’était un petit livre tout en douceur. Je suis très heureuse qu’il me soit passée entre les mains. Je dis toujours que je veux lire plus de littérature japonaise mais ne prends pas le temps de le faire – j’ai tant de choses à lire. Une chose est sûre cela-dit : je relirai Yōko Ogawa volontiers! J’ai trouvé l’intrigue très japonaise, tout comme le style d’écriture. Alors, que veut dire un style « japonais »? Pour moi, c’est quelque chose de très droit au but, de très franc, descriptif mais dosé, sans sursaut d’émotions, où l’emphase est davantage mise sur les événements que sur la perception des personnages. Narrateur omniscient, références évidentes au Japon – tellement d’auteurs japonais n’écrivent que des intrigues se déroulant au Japon, d’ailleurs, ce qui rend l’immersion très intense car l’environnement est parfaitement connu de l’auteur. En tous cas, ce style m’a fait penser à Higashino et Murakami. Peut-être que c’est la traduction qui fait ça, mais mon japonais est encore trop sommaire pour que je puisse en juger.

L’aide à domicile – dont on ne connait pas le nom mais qui est le personnage principal – nous raconte ici l’histoire de sa rencontre avec le Professeur, un homme âgé qui, après un accident de voiture, s’est vu amputé de sa mémoire, celle-ci ne pouvant désormais stocker l’information que pendant 80 minutes. Le lien que cette dame et son fils tissent avec le Professeur est au centre de l’histoire, s’entremêlant aux notions mathématiques et aux explois sportifs de l’équipe de baseball japonaise des années 90. Ces deux thèmes sont véritablement omniprésents mais ne requièrent pas de connaissances spécifiques pour apprécier l’histoire pleinement. Les maths sont utilisées intelligemment, pédagogiquement aussi tandis que le baseball sert de noeud solide pour maintenir cette petite famille recomposée ensemble. J’ai adoré les suivre au fil de leur quotidien, tout en me doutant de l’ineluctable ; un tel handicap possède ses limites, qui seront mises à rude épreuve. Il n’y a pas d’enjolivement de la maladie ni de la problématique du déclin. On s’attache encore plus aux personnages en sachant qu’ils vivent follement le moment présent, avec tellement d’amour, de compréhension, de patience et d’empathie. Le ton reste léger sur fond de mystère. Effectivement, plein de questions font surface et Ogawa ne nous apporte pas forcément de réponse. C’est un peu à nous de relier les éléments, de combler les trous et de nous faire notre propre interprétation des choses. Je conçois que ça puisse être frustrant, mais ça ne l’a pas été pour moi.

Je regrette un petit manque d’explications quant au fonctionnement de la mémoire du professeur, qui ne paraît pas toujours cohérente, l’auteur se permettant quelques facilités narratives. Je partais cependant avec un background, ayant lu La Mémoire Fantôme de Thilliez qui aborde très bien ce thème et apporte des précisions sur son fonctionnement (même si les deux histoires sont fictives, celle-ci m’a aidé à mieux comprendre l’autre). La personnage principale a notamment un carnet électronique dans lequel elle note toute sa vie pour ne pas oublier et lui permettre de vivre normalement. Le Professeur (années 1990 obligent!) écrit lui aussi des post-it qu’il épingle sur ses constumes pour ne pas perdre le fil des événements. Ce détail m’a d’ailleurs tellement touché! Le livre est plein de toutes petites choses qui moi m’ont vrillé le coeur et m’ont rappelé ma grand-mère, qui était atteinte de la maladie d’Alzeimer. Le livre traite de la difficulté pour les proches de s’occuper de quelqu’un qui ne se souvient pas de qui vous êtes, du sentiment de colère et d’injustice mais aussi de deuil qui peut vous saisir. J’ai adoré l’honnêté de l’auteur.

Le personnage principal manque un peu de personnalité, elle se met très en retrait dans son propre récit. Je ne sais pas si je dois l’imputer à la façon dont est vue la femme au Japon ou au recul que prend le personnage sur sa propre histoire. C’est un personnage féminin très fort à sa manière, pas « badass » comme la mode le veut en ce moment mais moi qui m’a impressionnée par son tempéramment de mère célibataire qui sacrifie beaucoup pour le bonheur de son enfant, qui sait s’excuser, se remettre en question et prendre des décisions difficiles. J’y ai été sensible et ça rejoint un peu mon propos sur la sincérité de ce livre. Je le recommande fortement, c’est une petite lecture bouleversante qui fait du bien.

– I.F.F.

Leurs enfants après eux – Nicolas Mathieu [AVIS, SANS SPOIL]

Petit mot introductif : J’étais passée à côté de ce livre lors de sa sortie en 2018. J’ai eu l’occasion de mettre la main dessus à la bibliothèque de Salzbourg, contre toute attente. Ils ont un rayon francophone assez peu fourni mais qui contient néanmoins des titres classiques et contemporains. En plein dans le thème qui intéresse mon mémoire, je me suis tout logiquement laissée attirer par ce récit aux promesses intimes et éclairées. Nicolas Mathieu a reçu le prix Goncourt pour cet ouvrage, ce qui m’a fait espérer quelque chose d’éblouissant. Aux trop grosses attentes, de grosses déceptions. Je suis en effet particulièrement mitigée, mais parlons-en.


Je suis née en 1995 dans le nord-est de la France. Anthony a 15 ans dans la Lorraine de 1992. Je crois que là-dedans réside tout le problème qui nous concerne aujourd’hui. J’étais trop jeune et je suis passée à côté de la société qu’on a voulu me décrire et dont on a voulu me rendre nostalgique. Mes parents auraient sans doute été beaucoup plus réceptifs que moi et cette génération d’écart fait vraiment la différence. Ce n’est pas seulement un livre social comme je l’ai lu à de nombreuses reprises sur internet ; c’est un témoignage personnel du passé. Nicolas Mathieu assis au tabouret d’un PMU, une bière dégoulinante collées entre ses doigts, un ticket de Keno gribouillé sur le comptoir humide. A la petite télé suspendue des publicités que vous connaissez par coeur passent en boucle. On est en juillet, il fait trop chaud et les ventilateurs achetés en urgence au Aldi du coin ne sont pas assez puissants pour sécher la sueur qui brillent sur vos fronts. « Fait chaud, hein. Ca me rappelle quand j’étais gosse. 1992, sacré été. On trainait au bord du lac avec les copains, on matait les meufs et on fumait des joints… putain, la belle vie ». Vous le dévisagez brièvement, vous n’avez jamais vu ce type, mais vous êtes d’accord : c’était toujours mieux avant. Il avait raison.

Le truc c’est que vous, vous êtes dans ce PMU par un hasard complet. Il vous faut des clopes en urgence, c’était le plus près et vous n’aviez pas pensé vous attarder. Et le temps qu’on vous serve, vous voilà capturé dans le récit de vie de 400 pages où un parfait inconnu vous raconte les trois étés les plus significatifs pour lui, le tout entrecoupé de critiques sociales actuelles, d’aventures intimes adolescentes dont vous vous foutez et d’une description intemporelle de la cité devant laquelle vous roulez tous les matins en allant bosser. Vous écoutez patiemment en attendant qu’il finisse pour que vous puissiez vous éclipser poliment – on est pas des sauvages quand même. Pauvre mais bien élevé.

La partie de moi qui écrit des textes est tombée folle amoureuse de ce livre. Les descriptions sont tellement pertinentes qu’on se doute pas que Mathieu ait vécu tout ça. Effectivement, après de petites recherches j’ai compris qu’il faisait lui aussi partie de ces personnes se retrouvant sous l’appelation barbare de la banière de « transfuges de classe » et qu’il a forcément été témoin des inégalités sociales de son milieu d’enfance bien qu’il ait eu accès à une éducation privée et des parents en CDI. Et… je suis encore plus fan de ça! rendre justice et hommage aux classes populaires de l’est de la France est un combat que je mène aussi et ça me rapproche beaucoup de son ambition. Les mots choisis, les tournures, les petits exemples réels, les vraies références permettent un ancrage et servent la description sociale. Je ne sais pas si Mathieu dénonce ces conditions de vie plus qu’il ne les décrit.

Cette volonté de rendre les choses aussi claires ont hélas (?) impacté le rythme de lecture. C’est lent et certains passages sont lourds à lire et m’ont laissé vraiment indifférente. Cette capacité de description de la réalité dans son plus simple appareil est certes brillante – pas d’exagération, pas d’embellissement, pas de mensonges ou de polissage intempestif – mais mon côté lecteur a détesté ça. D’où mon ambivalence. J’ai été incapable de m’intéresser ou de m’attacher aux personnages. Que ce soit Anthony, Hacine, Clem, Steph, les parents… tous me sont passés à côté. Aucun lien ne se crée entre le lecteur et eux et c’est assez dommage car ce qui leur arrive m’est totalement égal. Est-ce qu’Anthony et Steph vont se donner une chance ? Est-ce que Hacine va finir par réussir sa vie ? Est-ce que les parents d’Anthony vont parvenir à trouver un terrain d’entente ? Est-ce que leur avenir possède une onde d’espoir d’amélioration ? Je m’en fichais pronfondément. Les propos sociaux ne sont pas portés par les personnages. J’écoutais Mathieu sans l’interrompre mais j’attendais impatiemment qu’on m’apporte mes cigarettes.

Je comprends le prix Goncourt car c’est un roman qui se veut révélateur – un « roman social« . Malheureusement, je trouve ça d’une infâme hypocrisie. Les classes populaires ne vont jamais lire ce roman – les enfants transfuges, oui peut-être, et je serais intéressée par leurs avis. Primer un ouvrage qui utilise la misère des autres comme toile de fond me met un peu en colère. Les élites littéraires décernant ces prix ne comprendront jamais la profondeur de la vie ouvrière. Cette vie n’est pas un spectacle dont on doit se nourir, n’est pas un théâtre de comparaisons, un moyen de se rassurer, de se dire qu’il y a pire ailleurs. Je me sens mal à l’aise en pensant que beaucoup ont lu ce livre dans leur petit canapé Roche Bobois, un verre de vin sur la table basse pendant que le père d’Anthony trimait à l’usine. Comment on fait, alors, pour parler de ces gens sans les mépriser ? Mettre leurs conditions de vie sur la scène littéraire est une bonne idée, comme la fait Edouard Louis au travers de témoignages, comme l’a fait Didier Eribon au travers de témoignages et comme l’ont fait tant d’autres. Donner la paroles à ces gens sans la transformer. La partie Anthony/Steph m’a moins géner que la partie Hacine. Comment l’auteur a-t-il fait pour l’écrire? D’où vient le personnage d’Hacine dans la vie de Nicolas Mathieu? Avec qui a-t-il co-écrit ces parties? Le réalisme des banlieues, des trafiques de drogues, de la vie au Maroc, l’immersion au coeur de cette immigration… d’où vient-elle? Je veux un Hacine réel qui me donne son avis là-dessus. Est-ce qu’un Hacine va lire ce livre? Meh.

J’évoque brièvement la couverture et le résumé du livre ; « gnegnengne […] ce sera le premier amour, le premier été, celui qui décide de toute la suite […] » agrémenté de cette photo de deux adolescents qui s’embrassent au bord d’un lac, dans un bois. Je ne comprends pas ce choix d’édition. Actes Sud, éclairez-moi de vos lanternes divines, s’il vous plaît, vous qui ne m’avez jamais déçu dans vos visuels. Je trouve que ça ne représente pas du tout l’importance de l’intrigue. Lecteur naïf dans une librairie, je suis persuadée qu’on me vend une romance de pauvres des années 1990 où seul l’amour saura me sauver de ma triste condition financière. Est-ce que c’est vraiment ça l’enjeu du bouquin ? Absolument pas. Est-ce qu’on a voulu toucher une audience plus vaste ? Possible. On dirait une affiche de film français perdu dans un cinéma de province, pas un « roman social » primé Goncourt. Je déteste le terme roman social. Vraiment. Je l’ai vu partout.

Finalement, est-ce que j’étais simplement trop jeune pour ce livre ou est-ce que ma propre qualification insupportable de « transfuge » m’a désservie ? Dans tous les cas, je recommande ce livre à ceux qui sauront le lire véritablement.

– I.F.F.

Les sept maris d’Evelyn Hugo – Taylor Jenkins Reid [AVIS, SANS SPOIL]

Petit mot introductif : Ce livre m’a été recommandé par une amie qui m’a subtilement intimé de le lire au travers d’une multitute d’indices semés au fil de nos conversations. J’ai accepté, sentant que ça avait de l’importance pour elle et qu’elle avait besoin d’en parler. Je suis toujours très curieuse de parcourir des oeuvres qui ont eu un impact sur une personne qui m’est chère. Elle m’avait conseillé de ne faire aucune recherche en avance mais simplement de plonger dans ces pages tête la première, même si le thème et le résumé ne m’intéressaient pas. J’ai partiellement obéi, me permettant néanmoins de jauger de l’avis /20 des internautes de Livraddict : j’ai été positivement encouragée. J’ai lu le livre en anglais (VO) mais il existe également en français.

Autre note de ce mois-ci : je me suis challengée à donner mon avis sur chaque livre que je lis, même s’il ne s’agit que de quelques lignes sur mon compte instagram. Je souhaite partager mes aventures le plus possible et c’est un super entraînement pour moi! Oh! Et j’ai repris un peu mon compte Goodreads


J’ai l’impression de ne rien avoir lu de bon depuis Clara et la Pénombre de José Carlos Somoza et ce livre m’a brièvement réconciliée avec les choses plus comtemporaines. Alors que je terminais ma L2 en cette triste année 2017, Taylor Jenkins offrait la vie d’Evelyn Hugo au monde entier pour qu’il constate sa gloire. Ce roman a une douce aura de véritable biographie sans que cette Evelyn Hugo n’ait jamais foulé le sol américain et je trouve ça prodigieux car au fond, c’est de cela dont il s’agit. Monique, journaliste dans un prestigieux quotidien newyorkais est personnellement demandée pour interviewer une des plus grandes stars du cinéma de tous les temps et rédiger un article qui pourrait propulser son journal sous les projecteurs. Une aubaine pour elle, sa carrière qui patauge, sa réputation de petite rédactrice de chroniques sans importance et son divorce iminent. Au travers de sessions aux allures psychothérapeutiques accompagnées de petits cafés crèmes, c’est une Evelyn sur le déclin qui va livrer sans pudeur le récit de sa vie passionnante au coeur du show business des années 1950 et ainsi assurer son héritage médiatique. Mais plus important encore, elle va rétablir la vérité derrière ses fameux sept maris qui ont fait sa réputation sulfureuse…

C’est difficile pour moi d’exprimer l’importance et la vérité de cette histoire sans en raconter la moitié. J’ai compris l’injonction de mon amie de ne pas faire de recherches avant ma lecture et je souhaite vous la transmettre. Parfois, spoiler le livre ne change pas la finalité d’un ressenti de lecteur et je me permets suffisamment de le faire ici… mais pour une fois, il n’en est pas question. Pourtant, je meurs d’envie de rendre compte de la beauté du personnage d’Evelyn dans toutes ses facettes. Il y aurait tant de choses à aborder, tant de thèmes à analyser, tant sur le plan personnel que sociétal. C’est une merveilleuse ouverture sur l’Amérique célèbre des années 50 à 70. L’auteur a réussi à créer un univers crédible avec ce qui semble une déstabilisante facilité. Je n’ai à aucun moment remis en question la véracité des mécanismes qui sont démontés bout part bout. En me posant la question « est-ce que ce livre m’a marqué? est-ce que c’est un livre que je vais finir par oublier aussi? », je me suis instinctivement répondu que oui, c’était un bon livre mais qui ne resterait pas longtemps à la surface de ma mémoire. Pour preuve, j’avais déjà fait l’impasse sur les noms des sept maris! J’avais tort. J’ai appris de ce livre à un autre niveau. En étant plongé dans la vie intime d’Evelyn à la hauteur d’un.e ami.e proche, le lecteur accède à une partie secrète de ce qu’est être une star holywoodienne.

J’ai navigué avec Evelyn à travers les scandales, les mensonges, les difficultés du travail d’acteur.rice, les compromis et les sacrifices, et surtout les ravages de la presse à potins. L’auteur a su intelligemment intégrer des articles de journaux reflétant l’opinion publique des choix de vie d’Evelyn et je les ai trouvés d’une pertinence extraordinaire. Ouvrez n’importe quel magazine people actuel et vous y dénicherez des propos similaires. Des propos fondés surce que la star concernée a décidé de montrer au public. Quand cette réalisation s’est faite, j’ai commencé à remettre en question la totalité des couples de stars. Elles contrôlent leur image bien au de-là de tout ce que les yeux extérieurs peuvent imaginer et tout m’a paru faux à partir de ce moment-là. J’avais conscience de l’exagération des propos des journaux, de la manipulation médiatique, du besoin de reconnaissance dissimulé derrière les caprices et scandales… mais je ne m’étais jamais interrogé sur la notion de danger. On apprend effectivement que ce comportement n’est pas simplement une question d’attitude professionnelle ou de marche à suivre ; c’est une question de survie. Je pense d’autant plus dans les années 1950 où la place de la femme fait débat avec rage. L’image renvoyée sert de bulle opaque protectrice à la vérité des existences humaines. Ce livre réhumanise magnifiquement les célébrités.

Evelyn s’inscrit dans cette catégorie de femmes fortes et presque révolutionnaires pour son époque. Issue d’une famille immigrée latino en difficulté financière, elle fait la promesse à sa mère avant sa mort de s’échapper de ce milieu et de propulser son nom au sommet, là où elles pourront toutes les deux y être reconnues. Et pour ça, elle est prête à tout. C’est un personnage très pragmatique qui fait du bien à lire. Evelyn est incroyablement lucide et elle joue de ses atouts sans scrupules. Elle sait ce qu’elle veut et n’a pas peur de le rappeler à plusieurs reprises. Elle est futée et comprend le fonctionnement des studios dès ses 18 ans : ce sont des machines à fric qui n’auront aucun problème à utiliser son corps pour faire de l’argent et être rentables. Elle décide de s’en accomoder et d’en tirer profit. La notion de nudité, du corps de la femme, de son potentiel érotique, de sexualité sous toutes ses formes est très justement abordée. Sans tabou, sans cliché ou exagération – toujours avec le besoin de rendre justice. Ce livre a été écrit par une femme, et ça se sent. Evelyn n’est pas un personnage auquel tout le monde peut s’identifier. Elle est trop audacieuse, trop belle, trop décomplexée, trop confiante, un peu cruelle et c’est assumé, trop opportuniste, trop égoiste, trop déterminée, trop brute, trop franche, mais c’est à mes yeux ce qui la rend si importante, attachante et touchante. Contrairement au personnage de Monique, la journaliste, qui s’efface totalement dans l’histoire.

C’est là où je note un petit souci de construction de l’intrigue. Les deux femmes principales de cette histoire sont en opposition totale et au lieu d’apprendre l’une de l’autre, Evelyn ne fait qu’éclipser Monique. A plusieurs reprises, je me suis surprise à vouloir survoler les moments de la vie de Monique tellement elle me semblait inintéressante et secondaire. Son mariage n’est pas approfondi, ses névroses familiales non plus alors qu’elles jouent un rôle primordial dans l’histoire, les rapports avec sa supérieure sont toxiques et son manque de personnalité se ressent d’autant plus face à la grandeur d’Evelyn avec qui nous passons les trois-quart du temps. Retrouver Monique après une session avec Evelyn ne me faisait pas « souffler », au contraire : j’étais frustrée. « Pourquoi Monique a-t-elle été choisie personnellement par Evelyn pour ces entretiens? » devient une question à laquelle la réponse n’importe que peu. J’ai longtemps cherché des indices, préméditer ce plot twist qui grondait, sans jamais rien trouver car il était mal amené. Soudain, brusque et même un peu incohérent. J’ai regretté cette facette de l’histoire – l’auteur s’est sentie obligée d’apporter un petit quelque chose en plus qui relie les deux femmes mais je crois que c’était superflu. Décision d’éditeurs? Bien possible. L’histoire d’Evelyn est tellement riche qu’elle était grandemment suffisante au sens de ce livre.

J’ai été tenue en haleine par les révélations d’Evelyn tout du long et suis passée par plein d’émotions – signe d’une réussite chez moi. J’ai été touchée, surprise, émue, fière, déçue, en colère, j’ai ri… tout un panel riche en rebondissements. C’est un livre plein d’amour – romantique, familial, amical et de sincérité, encore une fois d’une justesse étonnante. Taylor Reid sait écrire, sait raconter, sait nous captiver. Son écriture est fluide, sans chichi, bien dosée, au rythme effréné. J’ai eu les réponses à mes questions et ai challengé mon jugement de nombreuses fois. Un vrai page turner! Je ne pourrais que chaudement vous recommander ce livre.

-I.F.F.

House of Mist – Maria Luisa Bombal [AVIS, SANS SPOIL]

Petit mot introductif : Livre du mois de janvier lu pour le club de lecture, en anglais donc. Très simple à lire si vous souhaitez tenter l’aventure dans une autre langue. Il ne fait que 275 pages avec des marges immenses, l’intrigue est simplissime, très peu de personnages et le vocabulaire très basique. Je n’ai pas aimé ce livre, qui a été une perte de temps phénoménale pour moi et je vous explique ça plus bas.

Ce mois-ci, j’ai également lu Changer : Méthode d’Edouard Louis, L’art du Roman de Kundera et Le Bal des Folles de Victoria Mas.


Encore une fois, je me dois de mentionner les détails de l’édition car elle m’a fait partir d’un mauvais pied. Je trouve le design sincèrement infâme, et je ne suis jamais aussi difficile en matière d’image de couverture. Je pensais qu’il s’agissait de mon édition qui était problématique, mais non, elles sont toutes comme ça : floues, ternes, certes douces et agréables à prendre en main mais cet aspect dessin/peinture imprimé volontairement de mauvaise qualité, le nom de l’artiste à peine lisible, ce château dans la brume qui ne correspond même pas à l’intrigue et cette brume si peu subtile qui se force à suivre le titre… Ca ressemble à une vague imitation mal faite de livre d’horreur, de mystère à la Dracula trompant le lecteur. Ce roman veut se vendre comme appartenant à ces genres sauf qu’il n’en est strictement rien. J’ai été dupée! L’intérieur du livre n’arrange rien. Les chapitres commencent en milieu de pages, ce que je déteste, les marges sont énormes sans aucune raison valable, la police est grasse et les petits ornements baroques sont un mince effort pour relever le tout. Je n’aurais jamais acheté ce livre en librairie de moi-même. D’ailleurs, il m’a fait plus penser à une auto-édition – ce qui aurait excusé tout ça à mes yeux de par le manque d’expérience – sauf qu’une maison d’édition, un graphiste et un artiste ont décidé d’allier leurs esprits créatifs et c’est tout ce qu’ils ont réussi à pondre en espérant que ça se vende…

Je pense que pour que mes propos soient clairs, il faut que je remette le livre en contexte. Il a été publié pour la première fois en 1935 et est, si j’ai bien compris, la réécriture d’une histoire de l’auteur qui date d’un peu plus tôt encore. Les années passées ont indubitablement altéré les mentalités et problématiques relationnelles soulevées dans ce livre et une partie des choses qui ne vont pas dans l’histoire sont excusables par cette évolution. De plus, le fait que l’auteur soit chilienne apporte encore davantage de nuances culturelles dans notre perception des événements. Le livre a été écrit directement en anglais et n’a pas été traduit de l’espagnol comme je le pensais avant ma lecture et ça se ressent – les termes employés, la construction des dialogues, les decriptions ne semblent pas toujours naturelles sans que ça n’altère véritablement la qualité de l’intrigue. Pour moi, le problème vient d’autre part mais tous ces facteurs n’ont pas joué en faveur d’une bonne réception de ce qui m’a été présenté.

L’année et la langue d’écriture n’excusent cependant pas tout. Le désir d’écrire dans une langue étrangère montre l’ouverture au monde de l’auteur, sa connaissance de l’extérieur de son milieu d’éducation et un besoin de toucher un plus vaste public. En 1925 était racontée l’histoire qui a inspiré Danish Girl, Zola et Hugo ont écrit des personnages féminins très forts bien plus longtemps encore avant, en 1870-1883 (les Rougon-Macquart) et 1862 (Les Misérables), de même Orwell a dénoncé sa société en 1935 avec 1984 pour ne citer que quelques exemples connus contradisant l’argument selon lequel une oeuvre reflète son ère. Bref, vous saississez. Les idées véhiculées ne sont pas seulement dépendantes de l’époque ou de a situation géographique de l’auteur. Il en va de la personne avant tout. Hélas, Maria Luisa Bombal se situe dans la normalité de son temps et ne s’émancipe pas de tous ces comportements qui aujourd’hui sont unanimement reconnus comme néfastes. Et c’est ça qui m’a profondément déplu dans ce livre. Soyons concrets.

House of Mist est le récit à posteriori de la vie d’Helga narrée par elle-même en s’adressant directement au lecteur. Elle revient d’abord sur son enfance difficile d’orpheline qui a grandi dans le secret de la vérité de la mort de ses parents et qui trouve une forme de réconfort dans l’amitié qu’elle noue avec son voisin Daniel. A l’âge adulte, elle se marie et déménage dans la maison de son époux, dans la forêt, entourée de cette brume mystérieuse qui ne semble pas seulement imprégner les lieux mais aussi les âmes. Malheureuse en ménage, Helga se laisse tenter par la vie somptueuse des bals de sa belle-soeur grâce à laquelle elle va petit à petit laisser sortir les fantômes endormis qui hantent les mémoires…

Une histoire d’amour…. ce à quoi je ne m’attendais pas du tout. J’aime les belles histoires d’amour qui savent me faire vibrer et ressentir des émotions. Voire auxquelles je peux m’identifier, trouver des réponses, même prendre exemple. J’étais tellement prête à me plonger dans le thriller mystérieux qu’on m’avait vendu que je n’ai cessé de l’attendre pendant 200 pages. Tout au long de ma lecture, j’ai eu l’impression que l’histoire ne démarrait pas et je suis restée dans l’expectative de quelque chose qui n’est jamais arrivé. Les événements qui se succèdent font office de miettes de pain, entraînant le lecteur jusqu’au bout d’un chemin qui ne finit pas. Tous les enjeux de l’intrigue sont bouclés, certes, mais ceux-ci sont tellement insignifiants que je n’aurais certainement pas remarqué s’ils ne l’avaient pas été. J’ai même envie de dire… avec si peu d’enjeux, heureusement encore qu’ils aient été mené à bien. La relation d’Helga est le fil rouge du roman ; cet amour dont elle rêve mais qui la rend finalement si malheureuse car son compagnon n’éprouve pas de sentiments réciproques et pire : aime quelqu’un d’autre et utilise Helga pour vivre cet amour déchu par procuration.

Le personnage de Daniel est toxique dès les premières pages, ne laissant absolument aucun suspense pour la suite des événements. On n’a pas d’espoir pour lui, on le déteste et même si la situation venait subitement à changer, ça n’aurait aucun impact car on aurait déjà construit notre avis sur lui. Helga est fade, vide à faire palir l’espace. Elle ne ressent absolument rien de cohérent ou de justifié quand elle ressent quelque chose tout court. J’étais dans l’incompréhension totale de ses choix, de ses actes, de ses décisions (ou manque de décisions) et de ses mots. Elle est totalement irréaliste et caricaturale. Elle représente la bonne petite gentille fille naïve qui se contente de suivre ce qu’on lui dit sans absolument jamais rien remettre en question. Sauf que ce n’est pas vraiment de la soumission, mais plutôt un conditionnement socio-culturel sans précédent ou un profond manque de jugeotte. Elle accepte tout ce que son mari toxique lui fait subir : la violence physique et morale (il l’insulte et la bouscule), le mépris, la condescendance, la solitude, la rancoeur. Il la rabaisse sans arrêt, lui interdit de faire ce qu’elle sait le mieux faire : coudre, ce qui la fait se sentir utile et la détend. Helga n’a rien d’autre pour elle que sa couture et ses contes de fée auxquels elle s’accroche.

A plusieurs reprises, la mocheté d’Helga est soulignée car elle ne prend pas soin d’elle comme les dames sont supposées le faire. Donc notre personnage principal et narratrice est : laide, naïve, bête et amoureuse. Il a reporté tous ses traumatismes sur elle et elle l’accepte sans broncher, par amour, en espérant qu’un jour il change d’avis et se mette à l’aimer. Lui est insupportable, dans chacun de ses dialogues avec tous les personnages secondaires – qu’il déteste également. Ses sentiments sont inadaptés et seulement modifiés pour le bien de l’intrigue. Il est le cliché du bel homme sombre, mystérieux, au lourd passé, renfermé mais tendre si on est fait preuve de patience, un peu romantique s’il a envie alors on lui excuse tout… c’était pour moi absurdement fatiguant à lire. Impossible d’éprouver quoique ce soit pour ces personnages et quand leur relation est le sujet principal du livre, c’est compliqué. L’intrigue n’a pas d’intérêt ; on n’oublie très vite la brume, l’ambiance angoissante, les marécages et la forêt pour se retrouver dans des festins mondains qui n’arrivent même pas à contraster les deux mondes correctement.

Le seul point positif est le plot twist à la fin que je n’avais pas vu venir – et j’aurais vraiment dû. Ca montre à quel point je ne me suis pas impliquée dans l’histoire. J’ai bien aimé aussi l’idée de commencer le récit par son enfance pour mieux comprendre la suite – la construction des événements est réussie. J’avais commencé à prendre des notes de lecture puis j’ai abandonné tellement je n’avais rien à dire sur cette histoire. J’ai juste acceléré pour m’en libérer. Le problème de ce livre est la façon dont il a été vendu. Ce n’est pas un thriller mystérieux. C’est une histoire d’amour nulle entre deux personnes incompatibles. C’aurait dû être une intrigue secondaire, pas principale. Parlez-moi de cette forêt, de cette brume, d’où vient-elle? De ce lagon où se sont noyés des gens, de ces légendes, de cette maison éclairée de candélabres effrayants. Tout le semblant de mystère mis en place au début est carrément rationnalisé vers la fin où l’auteur s’est sentie obligée de donner une explication concrète, réelle, rationnelle, humaine, réfléchie, incontestable aux choses qui faisaient tout le charme du secret. Vraiment dommage. J’ai l’impression d’avoir lu et vécu (pour le peu que j’ai vécu) des choses pour rien, qu’on m’a trompée, que tout était une mise en scène qui plus est inutile car elle ne révèle rien de pertinent.

Le style ne relève pas le soufflé. Cette auteur n’a pas de prose spéciale ou particulièrement agréable – en anglais du moins. Je pense que ça l’a limitée plutôt qu’autre chose. Le vocabulaire est banal, pas de descriptions élaborées, aucune métaphore, aucune réflexion, aucune question… j’y suis restée totalement indifférente. Le fait qu’elle brise le quatrième mur à plusieurs reprises m’a sortie de l’histoire au lieu de créer ce lien de complicité avec la Helga du futur. J’avais juste de la pitié pour elle.

Ce n’était peut-être pas très constructif, mais je suis impatiente d’en discuter avec mon groupe de lecture. Souvent, ils savent nuancer mes propos et apporter des réflexions intéressantes! Je modifierai l’article si besoin. Je ne recommande pas ce livre, comme vous vous en doutez.

Bonne semaine!

– I.F.F.

RETOUR

Mini nouvelle sur le thème d’une ville française que j’ai écrit il y a quelques temps pour un concours. Elle n’a pas été primée, mais je souhaitais tout de même la partager.


Emmitouflée sous un plaid et installée sur mon canapé de tissu gris du dix-huitième arrondissement viennois, je sirote un déca en écoutant « Take me Home, Country Roads » de John Denver. Nous sommes le onze décembre 2020, le ciel est déjà noir derrière la seule et unique fenêtre de mon appartement du rez-de-chaussée qui donne sur la rue. Je sais qu’il neige, je l’ai vu sur internet. Le diffuseur d’huiles essentielles répand une odeur de menthe poivrée dans mon 22m² carré à la lumière tamisée. Je fais une pause dans la rédaction d’un de mes dossiers pour l’université ; complètement irresponsable considérant le retard que j’ai accumulé en cette fin de semestre. J’alterne entre les onglets ouverts sur mon ordinateur, relisant brièvement quelques lignes par-ci par-là, comme s’ils allaient m’indiquer quoi faire. Comme s’ils allaient écrire pour moi. Comme s’ils allaient m’assurer mon avenir. Perdue dans mes pensées, je sursaute en entendant quelque chose tomber sur ma gauche. Je me retourne, le cœur battant et constate qu’il ne s’agit que d’une photo qui s’est décrochée du mur. Je me penche dans l’interstice entre le sofa et le mur, tend la main vers le sol et ramasse le précieux petit morceau de papier. Sur mes murs ne sont accrochées que deux photos : une de mes arrières-grands-parents prise il y a plus de quinze ans dans leur jardin d’alors, et une qui represente ma soeur et moi, âgées de moins de dix ans, je ne saurais pas dire exactement, debout toutes les deux, souriantes, habillées comme des jumelles d’un tshirt rouge et d’un pantalon jaune, devant la fontaine Charle de Gonzague de notre ville natale : Charleville-Mézières. C’est celle-ci qui a heurté le sol en me sortant de mes rêveries.

Je la contemple, du bout des doigts. Qu’est-ce qu’elle était mignonne avec sa petite frange blonde et ses toutes petites sandales à ses minuscules pieds d’enfant… Ca la ferait sûrement rire un peu de revoir ce visage si innocent. Nous n’avions pas tant changées, elle et moi. Physiquement, j’entends. N’importe qui nous reconnaîtrait aisément. Je n’avais pas pris le temps d’observer cette photo depuis longtemps. Elle était épinglée à la vue de tous depuis plus d’un an, et avait rejoint le décor comme tant d’autres babioles que j’avais achetées lors de mon emménagement. Je la savais là, tous les jours je passais devant, lui jetai peut-être un regard de temps en temps sans jamais ressentir la valeur sentimentale que son aura dégageait. On s’habitue aux choses précieuses avec une facilité déconcertante et c’est avec regret que je le constatais une nouvelle fois. To the place I belong…

L’histoire de cette photo s’est perdue dans les méandres de la vie. Je n’en ai aucun souvenir, aucune sensation, aucune image, rien. Elle me rappelle une autre qui je sais existe de nous en train de lécher une glace à ce même lieu. Plusieurs fois j’ai eu l’idée de reproduire cette situation, comme tant d’autres gens sur les réseaux sociaux. Idée clichée, mais amusante et touchante. On ne devrait pas se formaliser de ces choses que tout le monde fait pour suivre l’effet de groupe. Après tout, si on le fait tous, et que ça se perpétue, c’est qu’on y trouve quelque chose de nourrissant et d’apaisant. All my memories gather ’round her…

La dernière fois que je m’étais retrouvée en face de cette fontaine de Gonzague me paraissait une éternité. Janvier 2020, il y avait presque un an. Où étaient passés ces onze derniers mois ? Le Temps les avait grignotés avec réticence avant de les avaler d’une seule bouchée en laissant des miettes sales puis de s’enfuir comme un voleur. J’avais atterri à Paris Charle-de-Gaulle dans l’après-midi avant de faire le trajet en train jusqu’à la gare de Charleville-Mézières, située en centre-ville. La voix de la SNCF qui annonce l’entrée du train en voie 2 m’avait arraché un battement. Il est de ses sons qui prennent par la main, font valser sous des airs de nostalgie avant d’empoigner par la gorge et de faire suffoquer jusqu’à l’étouffement. Ce n’est pas contre toi, Simone, c’est contre le passé. Je ne t’en veux pas. J’étais descendue du train avec ma valise qui commençait à peser son poids, j’avais descendu les escaliers pour passer sous les rails et rejoindre la sortie, je tendais de descendre mon niveau d’angoisse à quelque chose de raisonnable avant de remonter les marches et de chercher mon père des yeux. Une embrassade comme d’habitude, « ça va ? », « je suis garé sur le parking », on prend cette direction en suivant le flot de passagers, « ça a été le voyage? », j’acquiesce, « il fait pas chaud… », je remue la tête. Je suis fatiguée. C’est partiellement faux. Il prend mon fardeau, le dépose dans le coffre, je m’installe côté passager tandis qu’il va régler le ticket.

 Je souffle, l’air sort de ma bouche et s’évapore en essayant d’emporter mes appréhensions mais elles sont trop lourdes. Il revient et nous démarrons en direction de la maison ; pas la sienne, celle de maman et des chats. Nous avions fait ce trajet des milliers de fois et chaque fois il me semblait interminable. Nous longions les voies du train, passions devant l’hôtel Le Dormeur du Val avant de tourner à gauche devant le lycée Chanzy où j’y avais fait mes trois ans et obtenu mon baccalauréat mention assez bien, puis de prendre de nouveau à gauche pour remonter l’Avenue Forest et de poursuivre en direction de l’Avenue D’Arches, de l’hôtel de ville, puis la « rue du Pédro », et rouler sinueusement jusque Mohon. Une quinzaine de minutes, tout au plus, où les minutes perdaient leur sens. Dans cette voiture, c’était toutes mes existences qui se surperposaient pour n’en faire plus qu’une, un réceptacle trop petit pour ressentir tant de choses d’un seul coup. Mes yeux voyaient le paysage défiler sans le regarder pour de vrai ; je voyais des souvenirs, je voyais les idées que je m’en étais faites depuis mon départ, je voyais parfaitement mon spectre arpenter ces rues dans une habitude qui m’apparaît maintenant déconcertante ; la friterie sur la place de l’hôtel de ville pour les fins de semaine à apaiser, le café « Français » où nous prenions nos petits-déjeuner avant avec papa, les deux ponts où frissonnent des drapeaux qui ont été source de multitudes de conversations géographiques houleuses sans jamais qu’on vérifie qui a raison, la Médiathèque Porte Neuve grâce à qui j’ai satisfait mon besoin de lecture quand j’étais en primaire, le docteur rue Saint-Louis où nous avons patienté des heures éternelles en hiver, les différents arrêts de bus TAC dont je connaissais les noms par coeur et notamment ceux de la ligne 1 direction Bellevue-du-nord, l’auto-école où j’avais raté mon permis B deux fois, l’épicerie du Petit-Pont que tout le monde connaissait mais où on achetait jamais rien, la boutique où on avait trouvé la pierre tombale pour mémère, le parc où j’attrapais des Pokémon… la maison. Radio reminds me of my home far away…

John Denver s’était tu. Je refais le chemin dans ma tête comme lorsque je le faisais à pieds les jours où le bus me paraissait être une épreuve insurmontable pour me projeter de nouveau devant cette fameuse fontaine de Gonzague. L’eau s’écoulait comme d’ordinaire de la bouche des créatures mythologiques taillées dans le marbre. J’étais appuyée sur la bordure de pierre, où je relus pour la énième fois le petit écriteau « eau non potable » avant d’inspecter les papiers noyés au fond du réceptacle. Charles de Gonzague, duc de Nevers, duc de Rethel, trônait fièrement sur son piédestal, méditant éternellement sur son œuvre et sur ses descendants qui ne prenaient même pas la peine de prononcer son nom en entier et qui jetaient leurs ordures dans son maigre mémorial.

J’étais un fantôme dans ces rues fraîches de début d’année. Habillée tout en noir, j’étais là pour acheter un livre à Rimbaud, unaniquement reconnue comme la seule librairie de la ville. Quel livre ? On ne le savait jamais. On allait à Rimbaud parce qu’on était appelé par la chaleur de ses rayonnages et on en ressortait toujours tiédis en profondeur. Ce refuge avait son équivalent estival ou le musée de l’Ardenne qui rafraichissait nos âmes dégoulinantes, fondues par le soleil trop rare pour qu’on s’y habitue jamais vraiment. C’était un endroit paisible, isolé sous les arcades de la Place Ducale où étaient exposés les vestiges archéologiques de la région. Mais personne n’y allait véritablement pour les voir ; « T’es allée au musée de l’Ardenne ? Tu t’ennuyais tant que ça, dont ? ». C’est pourtant un véritable petit cocon de sérénité intimiste où le monde n’existe plus, où il est rare de croiser un autre et où il est possible de dialoguer paisiblement avec les réminiscences des générations qui nous ont construites.

J’effleurais lentement les pavés de la rue piétonne, comme pour en ressentir l’écho dans mes pieds et sa résonance jusque dans mes valves cardiaques. Clac, boom, clac, boom. Un échange vital de concert. L’énergie qui m’a nourri, c’est celle-là. Combien de fois avais-je foulé ce sol en le prenant pour acquis ? En oubliant de l’écouter ? De la regarder ? Charleville-Mézières était particulièrement jolie au printemps ; elle revêtait sa douce robe chatoyante et se débarrassait enfin de son minable couvre-chef grisâtre. Elle n’en demeurait pas moins morose, sans que ça n’enlevât rien à sa beauté. Les parents autorisaient de nouveau leurs enfants à sortir sans écharpe et consentaient à s’engager dans de brèves promenades rituelles au détour desquelles les joues rosées de leurs marmots finissaient couvertes de pâte à tartiner tandis que la gaufre sacrée achetée dans cette même rue piétonne se dissolvait dans l’estomac des pigeons déjà trop rondouillets. La répétition des saisons était une mécanique bien huilée particulièrement remarquable dans les villes moyennes où chaque petite chose était à sa place. Une boîte à musique remontée chaque premier janvier par les mains lassées du Temps, emprisonné par l’habitude. C’était à cause de ça que j’étais partie. Je ne supportais plus la mélodie indigeste de la monotonie.

En passant devant la pharmacie Gonzague – évidemment – je remarquai que les poèmes écrits en craie blanche sur les vitrines des magasins en perdition n’avaient toujours pas été effacés. L’ancienne boutique de La Halle était couverte de syllabes inconnues. Je calquais les mots sur mon téléphone pour effectuer une recherche rapide. Contre toute attente, la poésie rimbaldienne n’avait pas le monopole du verre. Il s’agissait du poème In Memoriam de Léopold Sédar Senghor.

« C’est Dimanche.

J’ai peur de la foule de mes semblables au

visage de pierre.

De ma tour de verre qu’habitent […] tes

Ancêtres impatients,

Je contemple les toits et collines dans la

brume.

Dans la paix. Les cheminées sont graves et nues. »

Je souris à l’ironie du choix de cet artiste de rue. Je pouvais me le représenter, une nuit, vacant, peut-être une bière à la main, récitant doucement, une cigarette au coin des lèvres, et sa craie dans l’autre main en train de peindre ses tourments sur cette façade. Le lien entre lui et Rimbaud, semblables dans leur douleur, était presque beau. D’une beauté littéraire et fantasmée, un peu irréelle et rassurante. Que quelqu’un ait écrit ces vers en plein jour, sobre, heureux et conscient de ses actes ne me convenait pas. Ça enlevait tout le charme de ces mots spectraux qui apparaissaient au lever des rideaux métalliques. De long en large, Charleville-Mézières étaient un cahier gribouillé des réminiscences de Rimbaud ; des fresques, des graffitis, des lieux de mémoires, rues et avenues, des commerces, des établissements scolaires, des lieux de culture, des cafés-restaurants et spécialités dispersés dans toute la ville immortalisaient le poète et l’oeuvre de sa courte existence. On grandissait tous avec Arthur comme grand-frère. Au détriment de Charles de Gonzague… C’était une ville où la littérature irradiait et libérait les êtres. Où la poésie vous renversait brusquement et contrariaient ces pensées brouillon qui érigeaient patiemment les murs d’une timide forteresse intérieure. Où tout finissait par faire sens.

Je rejoins la place Ducale et décidai de passer à Rimbaud sur le chemin du retour. Son architecture carrée demeurait aussi somptueuse que dans mes souvenirs. Le carrousel l’habillait élégamment de son chapiteau rayé et donnait le charme si coutumier des grand-places. En son centre avait été installée une minuscule fontaine qui servait davantage de piscine aux pigeons et aux chiens en promenade que de pièce maîtresse embellissant l’endroit. Je m’étais toujours demandé ce qu’elle faisait là et qui avait eu une idée aussi ridicule. Les carolos l’utilisaient comme point de rendez-vous et juraient par « On se rejoint à la fontaine? ». Il n’était jamais question de quelle fontaine il s’agissait. Finalement, c’était peut-être ça, son histoire et son objectif ; rassembler. Trois autres rues divisaient la place symétriquement, respectivement nommées : « la rue piétonne, la rue à gauche de la rue piétonne, la rue à droite de la rue piétonne et la rue en face de la rue piétonne ». La cloche de la mairie sonna sur ma gauche et je tournai la tête dans sa direction ; 14h00. Le son me vrilla le coeur une fois de plus. L’endroit était désert alors que tout un flot d’images et de visions prirent possession des lieux. Le banc, le marché de Noël et la patinoire, les bacs à sable et les jeux d’eau, les jardins de fleurs, divers amis m’attendant debout tolérant de mon impossible retard, le festival mondial des marionnettes et ses flots d’invités qui transformaient cette petite goutte d’eau en océan agité d’humains curieux, les illuminations nocturnes et les balades atemporelles en bonne compagnie. J’avais le sentiment d’avoir tant perdu, mais j’avais tort. La place avait conservé toute mon âme précieusement dans son écrin de pierres. Je n’avais qu’à revenir pour qu’elle me la rende, que je fasse un constat de son existence, de mon existence, que je le dépoussière suavement avant de la lui confier de nouveau. Les lieux sont les gardiens de l’histoire des Hommes.

L’eau de la Meuse s’écoulait doucement sous mes pieds. Je m’étais accoudée à la rambarde du pont, le regard mécaniquement fixé sur les minuscules remous que provoquait le courant en traversant l’ancien moulin qui constituait désormais le musée Rimbaud. Ce n’était pas la première fois que mon esprit s’égarait ici mais ce creux sous la bâtisse m’attirait à chaque fois que j’empruntais ce passage lors de mes vagabondages en direction du Mont-Olympe. On rejoignait ce trou de verdure en empruntant la « rue en face de la rue piétonne », tout droit jusqu’aux péniches. Elles étaient effectivement toujours amarrées au même endroit, comme des petits paquets de voyage flottant dans l’attente. Ce pont gigantesque, communément appelé « le pont pour aller à la piscine » offrait une vue splendide du fleuve et des arbres qui le bordaient. Au loin, d’un côté, la ville, et de l’autre, l’infini et ce que je percevais autrefois comme la sortie, le bout du tunnel. Je relevai la tête et effectuai un demi-tour pour détacher mes yeux de l’hypnotique mouvement aquatique. Je continuai jusqu’à l’énorme horloge florale qui n’avait pas encore été replantée si tôt dans l’année à cause des températures. Elle dominait la ville de sa hauteur mais donnait rarement l’heure exacte. Le temps n’avait pas d’emprise dessus.

Je m’orientai ensuite à gauche et m’engageai sur le chemin de terre que j’avais tant parcouru dans mon enfance lors des chaudes soirées d’été avec papa et ma sœur. On sortait en fin de soirée quand il faisait déjà noir et on se promenait le long des quais, des terrains de pétanque, des parcs de jeux, on mangeait des glaces et on jouait à s’attraper. Les animaux nocturnes semblaient souvent ne pas s’en soucier, comme s’ils savaient que ça faisait partie de notre histoire. J’avais vu cet endroit sous la neige comme pendant la canicule et l’avais exploré avec tous les êtres les plus chers. Des amis de longues date que je ne voyais qu’une fois par an, des amis avec qui ce parcours était habituel et signe que le monde tournait rond, des amis le jour de mon anniversaire, des amoureux et amoureuses aussi avec nos mains enlacées pour la première fois et nos baisers volés, des amis d’autres villes en visite à qui j’expliquais ces sensations, ma famille… et de nouveau avec moi-même. Tous ces pas foulés, je les visualisais. Je pouvais baisser les yeux, les voir aussi clairement que dessinés à l’encre sur le macadam. Je pouvais les suivre, les laisser me guider, donner la main à ces fantômes qui m’accompagnaient de leurs auras bienveillantes. Jusqu’où ? Jusqu’où allais-je, ce jour-là, perdue dans mes souvenirs ? Rimbaud n’était qu’une excuse pour rentrer à la maison. J’avais juste envie de rentrer à la maison.

Je fis le chemin inverse en longeant la Meuse, la traversant et remontai la “rue en face de la rue piétonne”, la rue du Moulin et me retrouvai de nouveau dans le cœur de la vieille ville. Je déambulais sous les arcades près de la mairie, évitais de justesse les adolescents confiants qui faisaient semblant de ne pas me voir, m’arrêtais un bref instant devant le Garden Ice Café où j’avais invité mon petit-ami pour un café, l’année précédente avant de grimper les marches qui se présentaient à moi. En haut de la première volée m’attendaient trois visages dorés sculptés dans le mur de pierre, crachant de l’eau dans un bassin verdi par la mousse. J’aimais particulièrement cet endroit. Il ressemblait à un passage secret qui ne se révélait qu’aux habitués, aux connaisseurs. Une antre gardée par trois regards imperturbables et immortels veillant sur qui pénètre leur repère, jugeant de qui mérite ou non d’accéder à la rue qui mène au théâtre. Je trempai mes mains dans l’eau glacée quelques secondes avant de les essuyer sur mon manteau. La bénédiction accomplie, je franchis les derniers mètres avant de saluer le bâtiment où l’entrée à la culture semblait se mériter. Je poursuivis tout droit en direction du cinéma, où je savais que m’attendrais papa pour me récupérer. 

La photo toujours aux prises de mes doigts me paraît soudain floue. Je recolle le petit morceau de pâte à fixe avant de lui faire rejoindre son emplacement sur le mur, à côté de celle de mes arrières-grands-parents. Il y aurait beaucoup de choses à raconter sur celle-là aussi, mais pas aujourd’hui. Je me promets de prendre plus de temps rendre hommage à l’Avant, sans pouvoir parler d’un passé qui me modèle toujours. Je me promets d’observer davantage mon environnement, de prendre moins de choses pour acquises. Je me promets d’accrocher plus de photos, d’avoir moins peur de les regarder en face, de chérir mon entourage. Je me promets de penser parfois plus longtemps à Charleville-Mézières, à Charle de son petit nom, avec affection plutôt qu’avec aigreur. Je me promets de la remercier pour les choses qu’elle a faites pour moi, et de garder éternellement une partie de mon âme bien au chaud en son centre. De m’excuser pour l’avoir malmenée, parfois. De lui pardonner de m’avoir écorchée, aussi. Et, je me promets surtout d’accepter qu’elle me manque.

– I.F.F.

Terre Liquide – Raphaela Edelbauer [AVIS, SANS SPOIL]

Petit mot introductif : Ce livre est ma lecture du mois de décembre pour le club de lecture dont je parlais dans mon précédent article. On s’est décidé pour une lecture autrichienne mais j’ai tout de même lu ce livre en anglais et non en allemand. J’ai pourtant décidé de rédiger cet avis en français, me sentant cette fois plus inspirée dans ma langue maternelle. On sait jamais ce qui sort de nos cerveaux polyglottes… Il n’y a pas de spoil entâchant la lecture dans cet avis, mais j’évoque quand même des choses précises.

Ce mois-ci, j’ai également lu L’Assomoir de Zola et La fête de l’insignifiance de Kundera. Vous pouvez retrouver des avis plus concis de certains livres que je lis sur mon compte instagram.


Je suis ravie d’avoir pu découvrir cette auteur autrichienne contemporaine. Lorsque mon copain a vu ce livre traînant dans notre appartement, il m’a dit : « oh! je la connais. Je n’ai pas lu le livre, mais je la connais. C’était une de mes profs à la fac. » Ca m’a encore plus emballé, ressentant une forme étrange de proximité illusoire avec l’écrivain en question. Je remercie donc les membres de notre club de lecture qui ont conseillé ce petit roman ce mois-ci! Nous nous focalisons sur des auteurs* féminines du monde entier, me forçant à élargir mon champ de lecture qui est d’ordinaire, je l’avoue, assez restreint… Venons-en au livre!

* Vous l’avez peut-être remarqué, je ne féminise jamais les mots « auteur » et « écrivain » ou de manière très très sporadique. J’y reviendrai dans un article plus précis sur ce choix.

Je commence par parler brièvement de l’édition, ce que je ne fais jamais mais là, la couverture m’a tellement plue que je me devais de le mentionner! Je ne suis pas très regardante d’habitude sur les choix de design, ou sur les résumés des quatrièmes de couverture – bien que j’ai mes petits chouchous à savoir les formats Folio de poche et les éditions J’ai Lu hihi. Je possède l’édition anglaise Scribe de 2021 imaginée par Nathan Burton. Le touché est d’une douuuuuceur fantastatique et les dessins en relief apportent vraiment ce côté un peu ancien d’un vieux manuscrit effleuré par le temps. Je trouve ce choix très cohérent avec l’histoire et je reconnais le travail de réflexion fait à cet égard. Les couleurs rouges, blanches et vertes représentent évidemment l’Autriche dans l’imagination collective, et les motifs qui bordent la page ainsi que les petits personnages vêtus de vêtements traditionnels font écho à ce qu’on attend d’une intrigue qui se déroule dans un petit village autrichien perdu entre forêts et montagnes… Si j’avais vu ce livre au détour d’une expédition en librairie, je l’aurais certainement acheté! Il me parle certainement d’autant plus que je vis ici.

Raphaela Edelbauer nous plonge très rapidement dans le vif du sujet. Les parents de Ruth Schwarz, physicienne éminente en pleine rédaction de sa thèse doctorale, viennent de mourir tragiquement dans un accident de voiture. Originaires du mystérieux village de Groß Einland, Ruth désire leur offrir des funérailles où ils ont leurs racines comme ils l’auraient souhaité. Ne possédant que très peu d’informations concernant le lieu en question, Ruth se lance dans une recherche frénétique à l’aide de ses souvenirs et finit par découvrir où il se cache. On découvre alors le décor pitoresque figé dans le temps d’un typique village autrichien avec son église, sa mairie, ses petits commerçants, ses tavernes traditionnelles, son école mais aussi son château duquel règne une étrange contesse et « le Trou », ancienne mine d’où s’étirent des kilomètres de galeries sous la ville qui menacent de la faire totalement s’écrouler.

J’ai adoré la description qui est donnée du village. J’ai personnellement visité plusieurs mini villes autrichiennes dans plus régions différentes, et j’ai parfaitement retrouvé l’ambiance de Groß Einland. L’univers est très immersif et je n’ai eu absolument aucune difficulté à me projeter dans les différents établissements que fréquente les personnages, et à me balader dans les rues qui portent des noms tous aussi autrichiens les uns que les autres. On sent de l’auteur une bonne connaissance de son pays, mais aussi une volonté de retransmettre fidèlement et fièrement ce qui fait l’identité de l’Autriche. Les tavernes, où sont servies les Schnitzel et les bières en pintes à des clients réguliers assis à des tables en bois collées les unes aux autres, les rues pavées, le cloché et la tour de l’église et son style si particulier au toit carré, le festival avec les fanfares et les gens habillés de Lederhosen et de Dirdln… tout ça rend si bien hommage à la réalité de l’Autriche que j’en ai été beaucoup amusée. J’ai également retrouvé quelques inspirations de Vienne où vit l’auteur! L’ambiance calfeutrée des villes autrichiennes où tout le monde se connait, où tout le monde partage les mêmes petits secrets, où tout le monde cherche à protéger son cocon des étrangers est assez fidèle. On se sent comme Ruth : extérieure et toujours un peu en décalage. Bien qu’elle y passe quelques années sans interruption et que ses parents soient natifs, elle ne fera jamais vraiment partie des « Groß Einlanders »…

J’ai plongé assez facilement dans l’histoire, et même le lendemain après avoir conclu ma lecture, le livre me reste encore en mémoire comme si je n’en étais pas encore sortie. Deux possibilités peuvent expliquer cela : une attache à l’intrigue et aux personnages résultant en une lecture rapide qui ne facilite pas le passage à un autre livre OU un besoin de réponses qui n’a pas été satisfait. Je pars sur la deuxième explication. L’intrigue soulève plusieurs points, plusieurs questionnements, plusieurs sortes de sous-intrigues qui se doivent d’être toutes résolues d’une façon ou d’une autre. Sans détailler pour ne pas spoiler, j’ai compté : retracer l’histoire de sa famille et expliquer la présence répétée de ses parents dans le village sans qu’elle ne le sache, le Trou (la mine, son histoire, son propriétaire, son origine…), le sauvetage de la ville qui menace de s’écrouler et qui dépend de Ruth et de ses connaissances scientifiques, la problématique des anciens camps de concentration dans la région qui a laissé des mystères planner sur la ville, la rédaction de sa thèse, et la présence bizarre d’une contesse et d’un maire simultanément… Ruth essaye de se concentrer sur tout cela à la fois, parfois au détriment d’autres intrigues qui à mon avis méritent plus d’insistance que d’autres. J’ai trouvé le propos parfois un peu éparpillé, alors que toutes les idées soulevées m’intéressaient. Je n’ai pas eu toutes mes réponses. Certains points restent pour moi, inachevés et ça m’a assez frustré.

Je n’ai pas du tout réussi à m’attacher aux personnages. Aucun. Ni à Ruth, ni aux personnages secondaires que j’ai jugé trop superficiels. On ne connait que très peu de choses d’eux et ils n’apparaissent que pour faire avancer un peu l’intrigue. Ruth est désagréable et son deuil n’excuse pas tout. A de nombreuses reprises, elle force les autres personnages à lui révéler des informations dans des conversations lunaires, sans qu’aucun lien relationnel ne justifie un tel comportement. Les faiblesses de ce roman s’expliquent, je pense, dû au fait qu’il s’agisse d’un premier roman de fiction pour l’auteur. On sent qu’elle a des choses à dire, qu’elle souhaite construire un univers complexe aux multiples facettes mais que le format d’un seul livre ne se prête pas à cette ambition. Beaucoup d’événements se déroulent par chance totale et ne sont pas crédibles dans un roman qui a ses racines dans la réalité. Je m’explique : Groß Einland existe, bien que le doute est permis à plusieurs reprises. Il est bien décrit qu’il est situé en Basse-Autriche, que des touristes viennent visiter la ville, que des travailleurs entrent et sortent sans problème, que l’accès n’est pas limité, et bien qu’il ne figure pas sur les registres, les explications données sont cohérentes et crédibles.

Plusieurs sources attestent de la véracité des propos énoncés. Cependant, on a souvent l’impression d’une irréalité de l’intrigue par ce qui se arrive à Ruth : elle découvre le village PAR HASARD en s’arrêtant à une station service où deux hommes en parlent, elle découvre un lieu dont parlait son père PAR HASARD, sa voiture se détruit PAR HASARD en entrant dans le village et l’empêche de repartir, elle rencontre des personnages qui lui indiquent des informations cruciales au détour d’événements banals vraiment PAR HASARD… J’ai ressenti comme une espèce de deus ex machina continuel. Il faut faire avancer l’histoire, peu importe comment, même si c’est brusque, hasardeux et pas plausible. Un personnage ne peut pas avoir autant de chance à répétition et ce sans jamais se poser de questions. D’ailleurs, j’ai vu plusieurs sources classer ce roman comme « fantastique » et je ne suis pas du tout d’accord. Il n’y a strictement rien qui sorte des frontières de la réalité crédible du monde comme on le connaît, bien qu’on puisse parfois en douter… Le doute est vite effacé.

Quelque chose que je déplore également et impute au « premier roman » est que de nombres explications quant aux événements passés sont fait soit via des dialogues interminables, soit via des retranscriptions de livres ou articles que lit Ruth. J’aurais aimé découvrir l’histoire de Groß Einland de manière plus subtile. Ces procédés semblent un peu « faciles », mais au final n’entâchent pas le plaisir de lecture.

La réflexion sur le temps est intéressante dans ce livre. Ruth écrit sa thèse à ce sujet, et est elle-même à de nombreuses reprises confuse quant à la façon dont s’écoule le temps à Groß Einland (renforçant d’autant plus l’idée de village fictif). J’ai bien aimé l’idée selon laquelle le temps présent et passé ne sont en fait qu’un qui nous relie au monde du « Rêve », au monde des ancètres et que ce lien qui unit les gens est en fait infini et éternel. On a accès également à quelques extraits de la thèse de Ruth qui partage les avancées de ses réflexions sur le temps mais qui ont toujours un rapport avec les événements se déroulant simultanément dans la ville. Le petit univers de Groß Einland tombe à pic pour la thèse de Ruth, qui non seulement finit par trouver un moyen de se plonger dans son travail universitaire mais également un foyer et un refuge contre sa précédente vie qu’elle ne supportait plus.

C’est un peu la métaphore de l’oeuvre, je pense. « Groß Einland », difficile à traduire mais qui s’oriente vers « gros/grand pays interne, pays intérieur » tout en étant une minuscule ville perdue dans la nature représente bien ce qu’un être humain peut ressentir, piegé dans son corps. Ruth est submergée par ses émotions, par sa vie, par son travail à Vienne, par les contacts humains, les responsabilités incessantes, la technologie oppressante. Elle trouve dans Groß Einland exactement ce dont elle avait besoin pour pouvoir faire le vide en elle-même et faire un point sur ce qu’elle souhaite pour l’avenir. La mort de ses parents a été pour elle un nouveau départ. Elle se consacre pendant quelques années sur quelque chose qui n’a rien à voir avec le monde extérieur – d’ailleurs, plusieurs personnages lui font ce reproche. Pourquoi désire-t-elle déterrer les secrets de Groß Einland quand elle pourrait faire une différence dans la « vraie vie »? Ruth souhaite, en réalité, résoudre le casse-tête de son existence avant de se reconnecter au monde. Je pense que beaucoup d’entres nous ont voulu un jour tout laissé tomber et s’enfuir dans un Groß Einland pour faire quelque chose de complètement différent et trouver du sens. Ruth, elle, a eu cette opportunité.

Je souhaitais évoquer aussi le problème de la traduction. Je n’ai pas la version française, mais la version anglaise donc et bien que je n’ai aucun problème avec la langue, ce livre a été parfois un défi. Beaucoup de termes sont très étranges, très alambiqués, très « antiques ». Les phrases sont très longues (typique de l’allemand) et parfois difficiles à suivre. J’en ai discuté avec des anglophones et ça a été la même chose pour eux, mais apparemment le livre serait de base compliqué à traduire, ce que je n’ai aucune peine à croire. Le style est particulier et est un peu déroutant au début. Une fois accomodée, ça va mieux mais il peut sûrement freiner certaines personnes.

Au final, je reste un peu sur ma faim. J’ai envie d’en savoir encore plus, de la voir explorer davantage, d’avoir plus de plot twists, de surprises, de rebondissements… C’était au final un roman très linéaire sans vague alors qu’il y a tellement de potentiel pour quelque chose d’inoubliable. Ca a été une lecture agréable, et je le recommande avec plaisir. J’attends également de lire d’autres livres de l’auteur qui je suis sûre saura mieux doser ses intrigues et plus me surprendre.

– I.F.F.

The Space Between Worlds – Micaiah Johnson [AVIS, SANS SPOIL]

Petit mot introductif : Comme j’ai lu ce livre en anglais, il a été plus facile pour moi d’écrire une review dans la même langue. Je compte faire ça un peu plus souvent étant donné que j’ai rejoint un club de lecture anglophone ici, en Autriche.

En novembre, j’ai également lu La carte et le territoire de Michel Houellebecq, Baise-Moi de Virginie Despentes, The Dangers of Smoking in Bed de Mariana Enriquez, Au coeur de la violence + Qui a tué mon père + Combats et métamorphoses d’une femme d’Edouard Louis.


November book-club read. I hadn’t read a sci-fi fiction in a very long time and was very much looking forward to it. The Space Between Worlds is the first novel by Micaiah Johnson and discovering small authors is always something exciting, as I project myself in their shoes one day.

We’re plunged in the life of a young woman whose job is to “traverse” the different parallel Earths to gather data and information in order to further improve our management of our own world. The only condition to visit the other Earths is to be already dead on them to avoid suffering the trauma of meeting your other selves… the amount of traverses is very restricted, forcing our main character to take on missions she may not have taken otherwise…

I was disappointed from start to finish. I got into the story full of hope and excitement. I was taken abruptly out of it at the second chapter for a reason I cannot unfortunately spoil. After this, though, there was no coming back. I couldn’t get anything from any character. I found them bland, emotionless, almost robotic. Factual. It’s extremely hard for me to get involved into a story where every character leaves me indifferent. How can I care for them? How can I be happy or sad for them? How can I feel moved when there is some suspense? The relations between all of them was, in my opinion, too quickly described. Whether the main character, Cara, interacted with her colleagues, love interests, family, enemies… The most described is the one with Nik Nik, which is in the end, the character we see the less. The tragic life story of Cara was overkilled for me. She comes from a poor background, falls into a very toxic and abusive relationship, is ready to do anything to survive to the point of it being simply not gullible. About the background : it’s for me almost an unmissable criteria in a sci-fi novel to have this dichotomy between rich and poor, as the evolution of the world is mostly for the worse and we end up in this situation where poor and rich live separately and thrive on conflicts.

It’s not enough to create a reason for the main character’s desperate actions. It’s not enough for me to base a novel on that.

I loved the idea of the world traversing. I think the intention of the book is good, and it’s actually full of potential. I love reading about Cara traversing process; the scientifical experience but also the mystical one. I loved the details about Ashtown’s style and how Wiley City used to as fashion. It makes sense and is a fine depiction of privileges. My favorite chapter was the one of the funerals, as it conveyed the most of emotions and described the different rituals, and it did got me deeply into the universe. Really immersive. I think the author CAN create a world and atmosphere, but it was just not enough in this book. For example, sometimes the characters were not enough introduced or were too superficial. It made sense progressively, but I was often lost as the beginning. Same with some institutions like The House, or the runners, for which I would have loved a developed history and description. I can guess what their roles are but in a sci-fi book, I do not want to guess. I want to know. I felt left out of the story like I was supposed to know things I didn’t. Many things were sudden and unexplained and I couldn’t get pass this. Cara/Dell was weird from the beginning to the end. The fact that (almost) no one guess the truth about Cara.

Even now that I’m finished the book, I am still not sure of what is the main plot. Traversing? Adam? The other Caras? Nik Nik? 175? Poor/rich conflicts? It felt like the book was trying to start but, for some reason, could not. There were too many side tracking and events where an emphasis was put but unnecessary.  

I appreciate the lesbian romance and the fact that some characters use “they” pronouns. We need those topics to be addressed in new novels, but one single book cannot carry all the gender questions. It feels like a quota is trying to be filled. Maybe finding some balance would be nice.  

The end was the cherry on the cake for me. It felt like it was supposed to be two books but the author tried to condense everything in only one. Please, write a 500 pages book or two other parts: I don’t care but the last chapter is extremely frustrating. The main plot, or what I guessed it was, is resolved in one sentence which left me with the impression that it was not resolved. The book prepares for me something that doesn’t come. I was expecting some strong action. I was expecting fights, surprises, plot twists. I got none of that. Some things were unmistakably missing for me to enjoy it.

Glad I read through all of it as some chapters were pleasant and truly full of potential waiting to be exploited. The author can definitely write, but the story needs to be polished, especially the pacing. 

– I.F.F.

L’équation de pleine été – Keigo Higashino

Petit mot introductif : toujours un repost de Goodreads. Keigo Higashino est désormais pour moi un génie accompli du crime et d’autres avis concernant ses oeuvres seront prochainement publiés. J’ai lu tous ces livres traduits en français et je ne m’en lasse pas une seule seconde. (lu en 2014)


Ce fut le second livre de Keigo Higashino que je lisais et étant donné ma note, je peux dire qu’il m’a plu. Je ne raffole pas des policiers, mais celui-ci était tellement bien mené que je suis prête à lire tous les autres livres de cet auteur. J’adore sa façon de raconter les événements. C’est très simple et efficace et je ne vanterai pas sa prose traduite mais elle a le mérite d’être compréhensible et c’est ce qui compte le plus dans ce genre de livre, selon moi. L’histoire en elle-même est très singulière. Un garçon de dix ans va passer ses vacances d’été chez sa tante et son oncle qu’il ne voit presque jamais. Ceux-ci tiennent une auberge, et c’est ici que se produit le meurtre dont va ensuite découler l’histoire. On découvre une famille et son passé au fur et à mesure, les implications des personnages et j’ai adoré ce travail sur chaque personnalité. J’ai apprécié le personnage de Yukawa et je suis enchantée de savoir qu’on le retrouvera dans d’autres livres de l’auteur!

Les éléments dispersés ça et là s’emboîtent merveilleusement bien et c’est très agréable de suivre une lecture comme ça. Rien n’est laissé au hasard et tout est bien calculé. Finalement, l’enquête nous mène où jamais on aurait pensé aller et j’ai été très surprise! Il y avait des rebondissements inattendus, que demander de plus? Je ne sais pas si c’est moi ou si c’est un sentiment général, mais le cadre de l’histoire m’a incroyablement plu. Cette petite ville, cette plage, ses habitants, ses habitués, ses secrets… tout est lié. Même l’auberge et les petits détails comme les devoirs que fait le petit garçon avec Yukawa qu’il a rencontré avant dans le train. Leur relation m’a touchée et j’étais triste de les voir finalement repartir chacun de leur côté à la rentrée. Je me suis beaucoup attachée aux personnages, en fait. Je vivais l’histoire avec eux et j’étais dévorée par la curiosité. Le suspense était vraiment bien exploité.

Ce que je dirai de négatif, ce sont les termes judiciaires qui m’ont un peu embrouillée. La différence entre la police régionale, la police départementale ou je ne sais plus quoi et la police de Tokyo ainsi que les divers grades des enquêteurs et les conflits internes. Il y avait aussi énormément de noms de policiers et c’était parfois difficile de les identifier et de les associer à leur rôle et à leur appartenance dans la police. En passant outre, on réussi cependant à bien suivre l’histoire car les enquêteurs principaux sont tout de même mis en avant. D’ailleurs on en retrouve certains dans d’autres livres il me semble. En tout cas, c’est un univers dont je me suis éprise. Le livre se lit très vite et une fois qu’on est dedans, on n’en sort plus! J’ai eu du mal à tourner la dernière page, mais ça prouve de la qualité du roman. Je recommande vivement cet ouvrage mais aussi l’auteur.

– I.F.F.

American Psycho – Bret Ellis Easton

Petit mot introductif : toujours un repost de Goodreads. Je n’ai vu aucune adaptation de cette histoire depuis et je crois que je passerai dessus, même si des comparaisons pourraient être très intéressantes avec du recul… J’aimerais le relire avec un regard plus adulte également. (lu en 2014)


Nous voilà plongés dans la vie de Pat Bateman, homme respecté, riche, personnage type des personnalités montantes des États-Unis des années 1970. Patrick a tout réussit, et pourtant sa vie ne lui convient pas. Il prend extrêmement soin de son apparence, il séduit les filles qu’il veut, il entre dans les restaurants les plus chics; tout le monde est à ses pieds. Mais derrière son visage d’ange, Pat cache une personnalité tourmentée. Il aime tuer, il aime torturer, il aime violer, il aime même dévorer ses victimes. Il déteste les SDF, les femmes et les homosexuels en particulier (bien que les lesbiennes ne lui posent absolument aucun problème). À travers ce livre, nous voyageons avec Pat dans sa vie; dans tous ces côtés sans exception. Autant dire qu’il faut avoir le cœur très bien accroché, même moi qui ne suis d’habitude pas dérangée par l’horreur et le sang, j’ai grimacé et fermé le livre plusieurs fois pour respirer. Certains passages sont tout simplement abominables. L’auteur n’a pas hésité à décrire les choses franchement, comme elles sont et j’ai malgré tout apprécié ce choix.

Le livre a fait scandale à sa sortie, et je comprends pourquoi maintenant. Les passages pornographiques peuvent être choquants, et l’habile description des meurtres aussi. Cependant, le doute subsiste. Bien que nous soyons les témoins de la folie grandissante de Patrick, on a parfois l’impression que les meurtres n’arrivent que dans sa tête. Il semble souffrir d’une schizophrénie, car il parle à voix haute de ses horribles idées qui s’incrustent dans des conversations ordinaires et personne ne remarque rien ce qui nous laisse penser qu’il croit seulement le dire à voix haute; le choix de la première personne du singulier pour raconter l’histoire nous influe évidemment.

Je ne me suis pas particulièrement attachée aux personnages, à part peut-être Jean, sa secrétaire qui est amoureuse de lui mais qui reste très terre à terre et réaliste. D’ailleurs, à la fin du livre lorsqu’ils ont un rendez-vous ensemble, elle lui fait comprendre des choses sur lui-même et sur la vie et ce chapitre était mon préféré. Je n’ai en revanche pas trop compris l’utilité des passages traitant des stars de la musique de l’époque et les descriptions très poussées de leurs albums et morceaux. Je ne sais pas ce que cela apporte à l’histoire; je sais simplement que Pat aime écouter de la musique. J’ai également été un peu exaspérée par les descriptions à répétition de tous les vêtements que Pat fait à chaque dîner ou sortie mais je pense qu’elles sont foncièrement nécessaires car elles permettent au personnage principal de garder les pieds dans la réalité, car il se perd totalement dans sa folie destructrice. Il est piégé.

Enfin, ce livre reste plutôt bon, il ne m’a pas ennuyé. Même s’il n’y a pas ce suspense à la fin des chapitres, ils se lisent facilement. Je vous le recommanderais uniquement si vous vous sentez prêts à supporter le sang et la douleur et les choses assez dégoûtantes, je n’oserais même pas vous donner un exemple… (bon un seul, sans trop spoiler, à un moment il fait entrer un rat dans le vagin d’une de ses victimes. C’était le pire à mes yeux oh mon Dieu).

– I.F.F.

Shining – Stephen King [AVIS, SANS SPOIL]

Petit mot introductif : toujours un repost de Goodreads. (lu en 2014)


J’adore Stephen King, il fait partie de mes auteurs préférés et je me devais de lire ce livre, à cause du succès qu’il a connu et de la renommée qu’il a crée à son auteur. J’étais un peu déçue par Simetierre, honnêtement et je voulais retrouver foi en lui avec un autre ouvrage. Eh bien, mission accomplie! Shinning est un livre merveilleux. Il se laisse lire tellement facilement, et vite en fait. Quand j’étais plongée dedans, je ne voyais pas le temps passer. Je ne jugerai pas de la prose, puisque je l’ai lu en Français. Écriture fluide, sinon, et très efficace. C’est vrai que l’on peut vite tomber dans le cliché, avec le don de voir et sentir les émotions qu’a Danny, les monstres cachés d’un hôtel, qui lui-même a une conscience. Ce n’est pas une des histoires les plus originales, mais Stephen King c’est un peu ça quand même; mais il sait nous entraîner dans son univers. Le réel prend beaucoup de place dans les débuts de ses livres et le fantastique commence tard, d’habitude, mais là non. On est limite presque immergés dedans et j’ai apprécié ce point.

Les personnages sont plutôt simplistes mais à la fois bien travaillés. Ils ont une véritable histoire qui a des répercutions sur les personnes qu’ils sont devenus et sur leurs actes et c’est pour moi très très important. Ils n’ont pas de traits de caractères qui sortent de nulle part et qui ne sont pas expliqués, ouf. Ça aide le lecteur à mieux comprendre leurs actes, leurs sentiments. Nous sommes face à un récit également mental, avec des dialogues entre parenthèses qui nous expliquent les pensées directes des personnages et pas uniquement de Danny. D’ailleurs, il y a peu de personnages principaux; Jack, Wendy, Danny, M. Halloran, M. Ullman. Le reste n’est là que pour créer un ensemble, et finalement on n’en a pas besoin de plus. Les personnages ramenés à la vie par l’hôtel sont suffisants…

L’hôtel où loge la famille pendant l’hiver pour le travail de Jack est un endroit bien mystérieux et une beauté d’imagination. Les chambres sont secrètes, et les secrets bien enfermés. Un bal masqué se déroule la nuit, comme s’il prenait vie dans un autre monde bien que ses conséquences soient réelles; confettis, loups de carnaval, ascenseur qui monde et descend, présence d’alcool alors qu’il n’y en a pas dans l’hôtel à la base, marques de strangulations crées par une personne décédée et visible uniquement pour Danny, griffes et déchirures créent par des buis vivants; enfin j’ai adoré cette autre dimension! Certains passages vous font réfléchir et vous rendent nerveux même si ce n’a pas été au moins de Salem pour moi; mais généralement je me suis bien prise au jeu.

Un roman que je conseillerais définitivement, et je songe à lire le deuxième tome sorti il y a peu! Ah, Stephen ne t’arrêtes-tu donc jamais?

– I.F.F.