Ciao ciao!
En mai dernier, je suis partie un petit peu à l’aventure et j’avais envie d’en parler. Je n’ai pas trouvé le temps de le faire avant, mais vaut mieux tard que jamais comme on dit, non? J’avais toujours eu envie d’expériencer un peu ce petit voyage en solitaire, car j’ai l’habitude de partir avec des amis à l’étranger. Pour faire court: je n’étais pas du tout prête, alors que j’en étais persuadée et j’ai retenu de cette fois-ci quelque chose de vraiment essentiel sur moi-même. Je trouvais ça pertinent de partager mon expérience, si certains tombent sur cet article en quête d’opinion quand au voyage de ce type. Alors, je ne suis pas partie au fin fond de l’Asie par moi-même, avec un petit sac à dos. Le temps viendra pour ça, mais je pense que personnellement, je dois faire les choses progressivement. Je vais ainsi vous parler de ma toute première fois.
Mon anxiété m’ayant un peu laissé de répi à cette période, j’étais de fort bonne humeur une de ces soirées de fin avril. J’écoutais de la musique italienne un peu vintage à fond en grignotant des chips, pour être honnête. En quête perpétuelle d’évasion, je me suis perdue sur le site d’EasyJet avec un but extrêmement précis en tête: trouver un vol qui allait me permettre ENFIN de visiter le village italien d’où mon grand-père paternel est originaire. Ce but me trottait depuis vraiment des années, mais je n’avais pas trouvé l’opportunité ni le temps pour l’atteindre (les études, toussa toussa). Là, j’étais carrément au summum de la détermination. J’allais aller là-bas, découvrir d’où je venais et rien ni personne ne pourrait m’en empêcher.
Je réserve ainsi mon vol aller/retour Vienne-Naples sans y réfléchir davantage. Sans réfléchir un seul instant à tous les autres petits préparatifs qui m’attendaient sournoisement cachés dans l’ombre de l’excitation. Pour faire simple, je me rendais à San Nicandro Garganico, sur la côte Est de l’Italie. Naples se situe sur la côte Ouest… J’allais donc devoir traverser l’Italie en large pour atteindre ma destination. Aucun problème, une semaine avant je réserve tous les billets de train qui me seront nécessaires, sur deux compagnies différentes. J’essaye de faire correspondre les heures de trains avec mes vols, je réserve deux hôtels dont un à Naples (mon vol était tôt le matin), bref les broutilles de voyage… et j’ai l’impression que mes tracas sont terminés.
Mon inexpérience me rattrape bien vite. Le jour J je file en direction de l’aéroport (très en retard) et manque de rater mon avion. Yes, ça commence trop bien. En plus, j’avais très peu dormi et j’étais assez fatiguée – vous imaginez mon état émotionnel en TENSION. Je grimpe dans l’avion et nous voilà partis pour environ deux heures de vol, qui se sont merveilleusement bien passées d’ailleurs. Après avoir testé quelques compagnies, EasyJet s’en sort très bien à mon avis. Enfin bref. Le ciel est très nuageux quand j’arrive à Naples. Je distingue la ville depuis l’avion et je m’angoisse un petit peu. Tout est si… marron??? J’avais un avis préfait de Naples, évidemment. Le sud de l’Italie, bon c’est pas l’endroit le plus riche mais Naples c’est connu et grand… ça vaaaa. Ummmmm….
Le voyage commence véritablement lorsque je descends de l’avion, sors de l’aéroport et me retrouve juste devant, où tout un groupe de touristes s’apprête à embarquer dans un bus. Moi, je n’avais strictement aucune idée d’où je devais aller. Enfin, si: à la gare. Je dégaine mon portable et lance mon GPS à en direction de Napoli Centrale; 40min de marche, il fait bon, j’aime marcher, j’ai du temps avant mon premier train… Ma decision est PRISE. Ce fut un des trajets les plus angoissants de toute ma vie. Mon GPS est mon meilleur ami, vraiment, mais parfois j’aimerais qu’il puisse me conseiller des chemins plus sympa. Alors que je marchais à travers de petites rues et des parkings un peu effrayants, je finis par rejoindre une grande route extrêmement fréquentée avec genre… un passage piétons absolument invisible apparemment. Après VINGT minutes d’attente, je traverse la route en courant en priant pour ma vie. Je n’y reviendrai pas mais les italiens conduisent considérablement mal et dangereusement mais on va dire que chacun sa culture. GPS-kun me dit de revenir un peu sur mes pas et de tourner à droite, je m’exécute lorsqu’une voiture flambant neuve noire me coupe le chemin et se gare en FACE DE MOI. Je m’arrête et jette un regard interrogatif au conducteur qui me sourit et tapote le siège passager. Ni une ni deux, je souris en retour, contourne la voiture et ME METS A COURIR SI VITE que je ne sais pas encore comment mes poumons ont pu survivre.
Après cet événement, j’étais légèrement en panique, pour tout vous dire. J’appelle ma mère au téléphone et continue de marcher en suivant ma petite flèche bleue. Toujours ces quartiers pauvres aux rues minuscules, ces gens assis devant leurs maisons qui me regardent, ce linge pendu aux fenêtres, le bruit des couverts sortant des habitations ; j’étais perdue entre terreur et admiration. A la fois, je me sentais étrangère et à la fois j’étais émerveillée par cette Italie du sud typique et absolument unique. J’ai survécu, j’ai rejoint la gare, me suis calmée et ai mangé un petit peu.
J’ai embarqué dans mes trains sans emcombre et ai traversé l’Italie bercée par les paysages de la chaude campagne rassurante. Petite halte à Foggia, où je devais prendre mon dernier train. J’avais réservé sur internet et étais donc en possession d’e-billets… Ce qui ne convenait pas aux contrôleurs de cette compagnie. Mais ils étaient tellement mignons et adorables qu’ils m’ont laissé prendre mon train quand même après un peu de discussion – et honnêtement j’étais KO, ils ont du le voir sur mon visage.
La deuxième partie éprouvante du périple commença lorsque j’arrivai enfin à San Nicandro. La maison d’hôtes où je devais loger se situait à une heure à pieds de la gare, et vous me connaissez maintenant; j’aime marcher, bon sang. Fin de journée, agréable. On oublie la tentative de kidnapping et on s’élance à travers la campagne italienne. Alors là, la VRAIE campagne. Au milieu de touuus petits chemins de terre traversant des terrains vagues, de grands arbres verts où on entendait les insectes chanter. J’ai rencontré des chiens sauvages et il y avait beaucoup de chevaux dans les prés verdoyants. Tout ça a l’air bien beau mais ce fut l’heure la plus angoissante de toute ma vie. Une heure de marche dans la nature à suivre un GPS instable sur un portable à 15% c’est compliqué. Il allait être 20h, le ciel devenait sombre et j’étais toute seule au bord d’une route où on est pas sensé marcher à pieds, frôlée par des voitures qui roulaient BEAUCOUP trop vite… J’étais crevée, et terrifiée. J’ai cru que j’allais me faire renverser à chaque pas. J’ai appelé mon meilleur ami et ma mère, en crise de larmes mais! j’avais! plus! de! batterie! YES! L’angoisseeeee. Je n’avais qu’une seule idée en tête: CONTINUER. Continuer sans jamais m’arrêter. J’ai croisé quelques personnes en vélo qui m’ont adressé la parole, mais j’avais du mal à leur répondre tellement je n’étais pas mentalement stable (lol).
Quand j’ai aperçu la maison d’hôtes, mon coeur a fait un bond et j’ai presque courru… vous savez comme dans les films apocalyptiques où les héros trouvent le refuge contre les zombies après des jours d’errance dans la nature infestée. J’ai raconté mon périple à mon hôte qui m’a dit: « T’aurais dû m’appeler, je serais venue en voiture! ». J’ai poussé un long soupir et j’ai ri. Je n’avais pas voulu la déranger, mais avec le recul je ne regrette pas mon choix. Je suis allée au bout de ma décision nulle, et c’est important. Se sentir aussi étrangère et perdue dans un endroit totalement inconnu et sauvage fait ressortir une force intérieure que j’avais oublié avoir. Au final, je suis contente d’avoir eu si peur. Lorsque je marchais sur ce chemin, des tonnes et des tonnes de pensées me sont venues en tête; « est-ce que j’ai fait le mauvais choix? », « est-ce que je n’arriverai jamais à vaincre mon trouble anxieux? », « est-ce que cette peur, cette fragilité sont un frein à mes projets de voyage futur? », « comment vais-je trouver la force de vivre à l’étranger toute ma vie si je suis incapable de marcher une heure toute seule? », « qu’est-ce que je vaux? », « peut-être n’en ais-je jamais été capable… » blablablabla. J’ai remis toute ma vie en question.
Et c’est ça que j’aime. Ca m’aide à mieux me cerner, mieux me comprendre. Ca m’apprend l’autonomie et la débrouille. Au fond, je sais que je m’en sors toujours mais vivre « le pire » aide à mieux appréhender l’avenir. Et ça s’est confirmé encore plus tard, lorsque j’ai visité San Nicandro. Je tenais à le faire vraiment toute seule, sans personne. Sans mon hôte pour me guider. Ce jour-là fut extrêmement spécial. Nous avons pris notre petit déjeuner dans un café sur une petite place toute mignonne, puis je suis allée harpenter un marché où beaucoup de personnes âgées faisaient leurs courses. C’était magique. Tous ces sons des vendeurs qui crient en italien sur les étales, les bruits des scooters, les odeurs des produits, le sol foulé par les habitants, le soleil qui nous réchauffe… une vraie merveille. Je me suis sentie sereine comme jamais je ne l’avais été. D’une certaine façon, c’était chez moi ici. J’ai retrouvé ma maison familiale, je me suis assise sur les marches devant et j’ai beaucoup, beaucoup réfléchi. Une partie de moi venait d’ici. Et ça peut sembler si bête et fragile mais… c’était tellement important. A ce moment-là, les choses avaient du sens. J’avais du sens.
J’ai passé cinq jours géniaux, immergée dans cet environnement où je ne parlais qu’italien. La barrière de la langue s’est fait sentir quelques fois, évidemment mais elle ne m’a pas empêchée de m’épanouir. J’ai vu des choses que seuls mes petits yeux ont vu, auxquelles seul mon petit coeur peut donner de l’importance et de la valeur. Je chéris ce lieu profondément. C’est comme une partie ombragée de mon âme qui s’est éclairée. Je me revois déambulant sur les pavés, dans cette petite boutique achetant ma carte postale, sur ce parapet admirant les collines, dans cette église bleue, achetant des bonbons dans une petite épicerie, mangeant cette délicieuse pizza dans ce mini restaurant, et prenant des photos en pensant à mon papa qui serait tombé amoureux de cet endroit. Car, oui, c’était aussi pour lui.
Voyager toute seule, c’était éprouvant. Parfois, j’ai souhaité qu’il y ait quelqu’un sur qui je puisse m’appuyer, me poser et dire: « ok maintenant c’est toi qui organise, toi qui fait l’itinéraire, toi qui parle… » mais je savais également que je devais vivre cette aventure toute seule comme une grande. Et c’est avec plaisir que je recommencerai.
Le mot de la fin, même si c’est du bon sens: